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L'influence des séries TV sur notre perception de la santé mentale : progrès ou préjugés ?

Dans la dernière chronique « Mentalement vôtre » diffusée sur CIBL 101.5 et animée par Alexandre Escure, nous avons exploré un sujet qui n’est pas des moindres : l’impact des séries télévisées sur notre compréhension collective de la santé mentale. Cette analyse révèle comment le divertissement peut soit perpétuer des stigmates, soit contribuer à une meilleure acceptation sociale des enjeux de santé mentale.

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Les stéréotypes persistent dans certaines productions

Les séries policières, particulièrement New York Unité Spéciale, continuent de véhiculer une association problématique entre troubles mentaux et comportements criminels. De même, des séries comme Homeland renforcent involontairement le mythe du « génie torturé », suggérant une corrélation entre trouble bipolaire et capacités exceptionnelles.

Un impact mesurable sur la santé publique:

La controverse autour de 13 Reasons Why  illustre parfaitement les dangers d’une représentation inadéquate de la santé mentale, la série ayant été critiquée pour sa potentielle glamourisation du suicide. Ces représentations ont des conséquences réelles : selon le Centre d’Addiction et de Santé Mentale au Canada, 60% des personnes souffrant de troubles mentaux hésitent à chercher de l’aide par peur de la stigmatisation

Les statistiques sont éloquentes : 40% des personnes souffrant d’anxiété ou de dépression évitent de chercher un traitement à cause des préjugés (
CMAH). L’Organisation Mondiale de la Santé identifie la stigmatisation comme un obstacle majeur à l’accès aux soins en santé mentale.

Une évolution encourageante vers plus de nuance

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Heureusement, une nouvelle génération de séries propose des représentations plus authentiques. Cette évolution reflète une prise de conscience collective de l’industrie du divertissement, mais aussi une demande croissante du public pour des contenus plus réalistes et responsables.

Ces séries contemporaines se distinguent par leur approche multidimensionnelle. Au lieu de réduire les personnages à leurs troubles mentaux, elles les présentent comme des êtres humains complexes, avec leurs forces, leurs faiblesses, leurs relations et leurs aspirations. Cette humanisation des personnages contribue à briser les barrières entre « eux » et « nous », et favorise ainsi l’empathie et la compréhension.

De plus, ces productions s’attachent à montrer le processus thérapeutique dans sa globalité, incluant les hauts et les bas, les progrès et les rechutes. Elles n’hésitent pas à aborder les aspects pratiques du traitement : la recherche d’un thérapeute compatible, les ajustements de médication, l’importance du soutien familial, ou encore les défis financiers liés aux soins en santé mentale.

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L’humour n’est plus utilisé pour se moquer, mais comme un outil d’acceptation et de déstigmatisation. Des séries comme « Crazy Ex-Girlfriend » démontrent qu’il est possible d’aborder des sujets sérieux tout en maintenant une légèreté qui les rend plus accessibles au grand public.

Cette nouvelle approche narrative contribue à normaliser les conversations autour de la santé mentale et encourage les spectateurs à voir la thérapie et la médication comme des démarches de soin légitimes, au même titre que tout autre traitement médical.

Des séries qui ouvrent le dialogue:

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démystifie le processus thérapeutique.

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normalise le recours aux antidépresseurs.

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examine la crise des opioïdes sous l’angle de la santé publique.

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utilise l’humour et la comédie musicale pour aborder des sujets sérieux.

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Série québécoise, offre une vision nuancée du trouble bipolaire. Créée par Marie-Andrée Labbé, la série se distingue par sa capacité à dresser tant un portrait d’une personne atteinte du trouble bipolaire qu’un portrait de ses proches, à part égal. Le tout est écrit et joué avec empathie, nuance et même un certain humour, prouvant qu’il est possible d’aborder ces sujets avec justesse et sensibilité.

L'importance d'une représentation responsable

La consultation des experts:

La consultation de professionnels de santé mentale lors de l’écriture des scénarios devient une pratique de plus en plus courante dans l’industrie télévisuelle. Cette évolution marque un tournant important dans la façon dont les séries sont développées. Les scénaristes et producteurs reconnaissent désormais que l’authenticité nécessite une expertise professionnelle, au même titre que les consultants policiers pour les séries policières ou les conseillers médicaux pour les séries hospitalières.

Cette approche collaborative enrichit le processus créatif de plusieurs façons. Les experts apportent non seulement leur connaissance clinique, mais aussi leur expérience du terrain et des témoignages réels. Ils peuvent guider les créateurs sur les symptômes précis, l’évolution réaliste des traitements, et les nuances comportementales qui donnent de la crédibilité aux personnages. Leur implication permet également d’éviter les raccourcis scénaristiques potentiellement dangereux ou stigmatisants.

L'importance d'une représentation responsable

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Les nouveaux défis :

Cependant, même les productions bien intentionnées comme « Euphoria », avec pour actrice principale Zendaya, soulèvent de nouvelles questions éthiques et créatives. La série, malgré sa volonté de représenter authentiquement les troubles de santé mentale chez les adolescents, illustre parfaitement les défis contemporains de cette représentation.

Le premier défi concerne l’équilibre entre réalisme et responsabilité sociale. Comment montrer la réalité brute des troubles mentaux sans risquer de traumatiser les spectateurs vulnérables ? Comment aborder des sujets sensibles comme l’automutilation ou les pensées suicidaires sans créer un effet de contagion ?

Le second défi touche à l’esthétisation des troubles mentaux. Les séries modernes, avec leurs réalisations soignées et leurs bandes sonores travaillées, peuvent involontairement rendre « attractifs » des comportements destructeurs. C’est particulièrement problématique quand le public cible est jeune et potentiellement influençable.

Enfin, se pose la question de la représentativité. Les séries tendent encore à se concentrer sur certains troubles plus « dramatiques » ou « télégéniques », laissant dans l’ombre d’autres réalités tout aussi importantes de la santé mentale. Un véritable traitement responsable devrait également inclure les troubles moins spectaculaires mais tout aussi impactants dans la vie quotidienne.

Pour aller plus loin

Ressources complémentaires:

Le dossier sur la stigmatisation par l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale

Le Tool Kit 13 reasons why par Suicide Awareness Voices of Education

Découvrez le balado « Connexions » du regroupement de chercheurs CRIPCAS

Lignes d'aide
et soutien:

Tel-Aide : 514-935-1101

Info-Social : 811 option 2

Suicide Action Montréal : 1-866-277-3553

Association québécoise de prévention du suicide : 1-866-APPELLE

À propos de la chronique

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, vous pouvez écouter l’intégralité de la chronique « Mentalement vôtre » sur le site de CIBL 101.5. Cette chronique fait partie de l’émission Curio-cité, l’animateur Alexandre Escure y explore les enjeux contemporains de notre société.